Continent magique, l’Afrique a été le berceau de croyances et de formes d’art dont les masques sont les vaillants miroirs. Disguise. Masks and global African Art, étonnante exposition au Musée de Brooklyn, a mis en scène la notion de « déguisement » qui va vers le religieux, le politique, la fantaisie débridée ou même l’humour.
Source d’inspiration infinie, l’Afrique a en partie suscité ce qui a été qualifié de primitivisme dans l’art occidental (retour à des formes originelles, naïves, pures, exotiques…). Chez Picasso, le cubisme s’est forgé suite à la découverte de masques africains au musée du Trocadéro ou dans l’atelier de Derain. L’idée de représenter la multiplicité des faces (visages) trouve une expression magistrale dans Les demoiselles d’Avignon. C’était alors une heureuse époque où l’inspiration était vue comme un hommage et pas comme un pillage.
En mode, Yves Saint Laurent a imaginé une collection africaine en 1967 avec des robes d’inspiration Bambara et l’utilisation de matériaux atypiques comme le bois, le raphia. Si les tissus imprimés Wax passent par la Hollande, l’Indonésie, ils incarnent désormais l’Afrique. Aujourd’hui le wax est utilisé par de nombreux créateurs dans un esprit ethnique, mais surgissent aussi parfois des polémiques excessives quant à une forme de « réappropriation » d’une culture, d’un continent.
Le masque conduit sur la voie des masques, mais si celle choisie par Claude Lévi-Strauss s’est seulement consacrée aux Indiens d’Amérique du Nord, le masque est présent dans nombre de civilisations. Le masque cache, oblitère, occulte le visage, il prépare le corps à une transformation, à une mutation qui peut aussi conduire à un état de transe. Prendre une nouvelle apparence, devenir « autre ».
À Brooklyn figure la collection de masques du musée de Seattle et des oeuvres créées par des artistes contemporains autour de ce thème traité en toute liberté.
-Brendan Fernandes s’est inspiré du commerce des faux masques africains vendus à Canal Street et fabriqués à la chaîne non loin de là. Avec No Primitivism, l’artiste utilise de fausses silhouettes de daims en plastique affublés de masques typiques de l’art africain dans une pièce « vert safari » décorée de sagaies. Avec cette parodique vision d’une « real New York City Experience » se pose la question de la fausse idée de l’art primitif aujourd’hui en perte de ses valeurs originelles.
-Nandipha Mntambo. Avec Umfelokati Wenhlaba, l’artiste choisit une peau de vache, un animal qu’il voit comme une connexion entre différentes civilisations (rôle divin en Egypte ancienne, en Inde…). Cette peau est drapée, moulée sur un corps pour en redessiner une forme humanisée. Sa vision d’Europa, en songeant au subterfuge de Zeus pour séduire Europe, crée un hybride homme-animal (pour la part sombre et animale qui subsiste en chaque être).
-Waltr Oltmann. L’observation du travail des insectes, la vision des colons débarquant en Afrique, la transformation,… autant de thèmes pour aboutir à des hybrides avec un vêtement protection, chenille humaine à « poils », à piquants, aliens d’un nouveau monde.
-Wura Natasha Ogunji. Avec son appareil photo et déguisé, l’artiste capte des moments, des rencontres et oppose deux mondes. Les Etats-Unis où chacun est soucieux du côté privé de son existence et Lagos où chacun observe l’autre, simplement avec curiosité, mais sans malveillance.
-Saya Woolfalk. Empathy imagine un groupe de femme, les Empathics qui explorent le processus d’hybridation par le costume, le maquillage. ChimaTEK est la prolongation de ce projet imaginé pour Brooklyn avec des sculptures textiles. Parodie d’Elvis Presley, dialogue étrange de personnages grimaçants, masques anciens, un monde coloré et joyeux fusionne tradition et vision du monde actuel autour du déguisement et de l’univers artistique issu du continent africain.
Un angle original autour de la transformation via le costume, le tout sacrément « ambiancé ».