Georgia O’Keeffe, anatomie d’une garde-robe

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Magnifique artiste américaine, Georgia O’Keeffe a aussi joué un rôle d’icône de mode avec un style simple quasi austère, mais toujours d’une élégance parfaite. Ses liens avec la mode ont particulièrement été mis en avant lors de la grande rétrospective du musée de Brooklyn. Malgré une apparence simple, l’artiste mettait sans aucun doute un soin particulier à composer ses tenues assez monolithiques. Dans un portrait écrit dans le NewYorker : «  When people ask whether Miss O’Keeffe has only one dress, (her houskeeper) explains that miss O’Keeffe has a hundred dresses, but they’re all alike, except that some are black instead of white ». Barbara Rose disait d’elle : « Hers was the consummate artifice of an apparent lack of artifice… She managed to make contrivance appear nonchalance. The truth was her appearance and habits were a matter of iron disciplin ».

 

Prémices

À ses débuts, Giorgia O’Keefe fabriqua ses propres vêtements, dans ses lettres figure une seule mention d’un robe commandée dans les années 1910. Elle créait ses modèles avec des patronages réalisés dans du papier journal. Elle connaissait les tissus et aimait les travailler dans le biais. Son style a joué sur un zeste d’androgynie et s’est développé un goût pour deux couleurs : le noir et le blanc. Parmi les plus anciens vêtements conservés figurent deux tuniques blanches très simples probablement créées par l’artiste. Dès le départ s’est écrite une pureté monochrome avec juste quelques détails plus élaborés.

Installée à New York avec Stieglitz à partir de 1918, ell a continué à sélectionner ses vêtements orchestrant des commandes selon des indications très précises. Elle avait défini son style et disait : «  Why does everyone want to dress like everyone else and not stand out and be different ? ». Elle avait une façon très personnelle d’assembler et d’attacher ses vêtements. Son premier vêtement « signé » et conservé est une cape de Zoé de Salles datant des années 30.

cape

 

Wrapped

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Une des signatures du style de Georgia O’Keeffe fut la robe wrapped, bien avant que Diane de Furstenberg la popularise définitivement. Ce type de robe portefeuille ou cache coeur fut déjà créé par Claire Mac Cardell qui les appelait les « popovers » dont une « pyramid popover » en 1951. Ensuite Neiman Marcus avec les modèles Smock les popularisèrent à Dallas dans les années 50. Dans les années 70, les premières robes wrapped de Georgia O’Keeffe s’étaient usées et elle demanda à Carol Sarkisian de lui en créer d’autres en lui montrant un prototype sur papier à partir d’anciens éléments, expliquant que la robe était dans le biais et nécessitait « six yards of forty inch fabric ». Elle fut particulièrement exigeante sur la qualité du coton sinon « it won’t hang right, it will jut stick out and it will look like I have a costume dance on ».

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Le noir

L’autre signature de l’artiste fut sa prédilection pour le noir. Une non couleur qu’elle considérait comme sa couleur de vêtements de villes et qu’elle déclinait en tailleurs et en robes. Elle commença à porter le costume tailleur dans les annés 40 appréciant leur côté masculin et elle les portait avec des chemises blanches. Un tailleur Balenciaga sous la marque Isa figure dans sa collection ainsi que quelques modèles de Knize prisés pour leur côté masculin. S’ajoutèrent des modèles commandés en Asie notamment des tenues réalisées par J.S. Wong.

 

L’Orient

Attirée par l’Orient, elle s’intéressa au bouddhisme et au zen. Elle acquit des vêtements en Asie et le kimono devint aussi un de ses vêtements préférés. Elle compléta régulièrement ses achats dans une boutique ethnique de Santa Fe, Origins. Elle portait le kimono à l’occidentale en le ceinturant simplement et pas d’obi. Elle possédait aussi quelques yukatas imprimés dont un avec des volutes qui lui donnaient le sentiment d’avoir l’eau coulant sur son corps; le motif fut qualifié de « flower fall ». Dans sa collection figure aussi un modèle avec le mont Fuji. Quelques modèles de vêtements chinois et ses tailleurs de Hong-Kong.

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Éclectisme

De Claire Mc Cardell, ont été conservées plusieurs robes très « american look » dont un magnifique modèle aux emmanchures très découpées et orné de quelques surpiqûres des années 50. Georgia O’Keeffe la considérait comme la meilleure créatrice américaine, elle appréciait particulièrement le confort de ses tenues.

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D’Europe figurent quelques modèles dont une création de Pucci, mais avec la sobriété du noir et du blanc d’une robe géométrique et pas l’exubérance signature de la maison.

Pucci

Marimekko (Finlande) attira aussi l’attention de l’artiste avec des créations confortables dans de bons cotons. Là aussi sobriété des couleurs, loin de la gamme souvent vive de Marimekko.

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Parmi les accessoires qui attachaient ses robes se distingue une magnifique broche de Calder qui reprend ses initiales

Calder

Figure de mode.

La personnalité et le style de Giorgia O’Keeffe intéressèrent des créateurs contemporains qui lui rendirent des hommages variés. En 1983 Calvin Klein lui créa un pull blanc avec un bord noir autour du cou, pull qu’elle portait quand il lui rendit visite en 1984. Il revint avec Bruce Weber pour réaliser une série de photos dans le ranch de l’artiste. Le photographe fit aussi de magnifiques portraits de vêtements de Georgia O’Keeffe.

Coup de coeur d’Issey Miyake pour sa personnalité : « For the first time, i’m designing cloths with one person in mind. An I’m planning to send them to her when they’re ready ». Plus tard la première collection de Yoshiyuki Miyamae pour Miyake rendit hommage à Georgia O’Keeffe avec la collection Bloom Skin. Michael Kors a imaginé aussi à partir d’un de ses tableaux de fleurs un imprimé coquelicot.

 

Un parcours émouvant dans ces archives de vêtements qui ont participé à la création du style d’une femme qui à près de 100 ans incarnait encore une icône de mode, bien loin des vedettes de pacotille que sont les références d’aujourd’hui.

Une artiste remarquable, intrépide, libre…

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2 réflexions sur « Georgia O’Keeffe, anatomie d’une garde-robe »

  1. Magnifique reportage qui nous rappelle les valeurs de la « modernité » très éloignées de clichés actuels, souvent. Merci merci merci, c’est un tel bonheur

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