Mettre le parfum en exposition, une mission quasi impossible… À la Somerset House de Londres, « A sensory Journey through contemporary scent » se consacre essentielllement à des fragrances contemporaines et issues de la « niche ».
Un petit rappel historique offre une mise en bouche des parfums mythiques du XXème siècle, de L’Origan (1905) de Coty à CK One (1994) de Calvin Klein en passant par des mythes dont certains encore très connus aujourd’hui : Chypre de Coty (1917), Chanel N°5 (1921), Shalimar (1925) de Guerlain, Shocking (1937) de Schiaparelli, Vent vert (1947) de Balmain, Youth Dew (1953) d’Estée Lauder, l’Eau sauvage (1966) de Dior, Opium (1977) d’Yves Saint Laurent, Giorgio Beverly Hills (1981)… dans leurs flacons, mais seuls deux offrent leurs effluves aux visiteurs.
Le reste du parcours joue l’interprétation de fragrances contemporaines dans des « décors », une chambre, un parfum. Apparaissent boules de fer, draps, banc en bois… Le champ des possibles est vaste, mais les ouvertures entre les pièces ne sont pas vraiment propices à la lecture nasale… Les références un peu abstraites sont supposées renvoyer aux sources d’inspiration des parfumeurs, les Highlands d’Écosse, un confessionnal…
Les explications viennent ensuite dans une salle où les cartels lèvent le voile sur les parfums choisis avec les explications des parfumeurs et une carte d’identité olfactive sous forme de liste d’ingrédients autour des différents thèmes ou accords. Intéressant, le petit catalogue reprend ces éléments.
Mais si l’idée est de proposer une découverte qui associe le visuel, le tactile, l’audition à l’olfaction, la réalisation pêche un peu par son excessive simplicité !
Heureusement le souvenir des parfums est là et si quelques uns sont emblématiques de la niche, d’autres sont des découvertes, avec des créations davantage connues en Grande-Bretagne.
Comme des garçons 2, 1999
Une composition de Marc Buxton autour d’un thème donné : « a swimming pool of ink » et surgit une délicieuse odeur d’encre qui évoque la calligraphie. Effet métallique avec aldéhydes, laurier, rose oxyde, rhubofix (effet rhubarbe), amarocit. Accord floral : magnolane, tagète, jasmin. Encre fumée : huile de cade, cèdre, encens, tamarin, ciste labdanum. Vert amer : angélique, nonadienal, maté, galbanum.
-Molecule 01 de Geza Schoen, 2006
Un choix de parfumeur autour d’un ingrédient, l ‘Iso E Sup et de ses « vertus » d’attraction (application du principe des phéromones à l ‘échelle humaine). Au final, une odeur transparente avec des accents cèdre, poivre noir. Même si certaines personnes sont anosmiques à cette molécule, le parfum est devenu une sorte de mythe assorti d’une réussite marketing.
Sécrétions magnifiques, État libre d’orange, 2006
Antoine lie a souvent composé pour la marque aux noms provocateurs (Charogne, Putain des palaces…) qu’est État libre d’orange. Pour ces sécrétions sulfureuses, une sensation de « fluides » aux relents d’odeur de sperme entre attraction et répulsion. Un effet « lait » : sulfutroal. « Sang » : diphenylmethane. « Sueur » : huile de cumin. « Sperme » : 2-Methyl-2-Pentonoic Acid. « Salive » : Azurone.
En passant, Editions Frederic Malle, 2000
Olivia Giacobetti et son écriture discrète tout en élégance s’est inspirée de la ville de Paris et de sa représentation au travers des clichés en noir et blanc de Doisneau en magnifiant un lilas.
Vert et aquatique : helional, concombre. Note poudrée : aldéhyde anisique. Douceur : blé, muscenone.
Purple rain, Prada Olfactories, 2015
Signature des parfums Prada, Daniela Andrier a souvent travaillé l’iris. Purple Rain en est une des dernières versions.
Iris mauve : iris aldehyde, héliotrope, methylioantheme, irisone alpha. Racine d’iris : iris vétiver, ciste, isobutyl quinoline, galbanum. Iris sensuel : coumarine, myrrhe, benjoin, nirvanolide, iris absolu, fleur d’oranger
El cosmico, D.S. &Durga, 2015
Autodidacte, David Seth Moltz, s’est inspiré d’un lieu proche de Marfa, dans le désert du Texas. Une évocation de sable sec, pissenlit, herbes fumées, feuilles séchées…
Sable chaud : guaicol, aldéhydes, C-13 alcool, trisamber. Créosote : khella, vertenex, thym. Abstraction de bois de santal : gamma octalactone, ebanol, bois d’ris. Flore texane : cubeb, poivre noir, cèdre Texas, undecavertol.
Charcoal , Pefumer H, 2015
Lynn Harris s’est plongée dans un souvenir du Yorkshire et des régions minières… Et réminiscences d’enfance avec le grand-père au coin de la cheminée.
Fumée : cade, ciste, isobutyl quinoline. Rugueux : vétiver Haïti, patchouli, mousse cèdre. Moelleux : genévrier, cèdre, élémi Iran. Vert transparent : galbanum, feuille. Douceur : angélique, encens, cuir, iso E Super, musc.
L’air du désert marocain, Tauer Perfumes, 2005
Andy Tauer a imaginé une impression de désert, chaud et sec sans oublier les notes épicées du Maghreb.
Bois : ambroxan, cèdre, ciste…. Épices de souk : linalol, cumin, coriandre , lavande. Balance : bergamote, citronnelle, petitgrain, géranium. Jasmin : jasmonyl, ylang ylang. Feu: goudron de bouleau, mousse de chêne, vétiver Java. Gâteau : vanilline, ambre, patchouli.
Avignon, Comme des garçons, 2002
Dans la série des encens, Bertand Duchaufour a interprété Avignon. Et une ambiance de messe, souvenir papal ?
Spirituel : encens, bois de santal, Iso E Super. Profondeur : patchouli, labdanum. Douceur : Iso E Super. Vibrant : cashmeran, cedramber. Contraste : Aldehyde C-12, notes vertes.
Un décryptage toujours intéressant pour mieux comprendre la complexité d’une création et ses jeux de pistes en accords.
Enfin un laboratoire (Givaudan) avec 200 ingrédients et des explications pour sentir, avoir le détail d’une composition et se donner l’illusion de jouer au petit chimiste.
Merci, quel beau document; Je ne connais pas toutes ces fragrances mais j’adore celui d’Olivia Giacobetti, « En Passant », comme tous les jus de cette femme poétesse qui s’est retirée ou fait une pause? et le Comme des Garçons, Avignon qui me semble fascinant.
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Olivia Giacobetti crée aussi et encore pour Iunx (une boutique à Paris). La série des encens de CDG est magnifique…
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